Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/30

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cette chambre et un fumoir. Bien qu’Hubert ne fût pas encore adonné au tabac, les deux femmes avaient prévu jusqu’à cette habitude, trouvant là un prétexte pour disposer une petite pièce tout orientale, avec une profusion de tapis de Perse et un large divan drapé d’étoffes algériennes que le général avait rapportées de ses campagnes. Des étoffes pareilles garnissaient le plafond et les murs, sur lesquels se voyaient les armes laissées par trois générations d’officiers. Des sabres égyptiens rappelaient la première campagne faite par Hubert Castel à la suite de Bonaparte ; le capitaine de l’armée d’Afrique avait possédé ces fusils arabes, et ces souvenirs de Crimée attestaient la présence du sous-lieutenant Liauran sous les murs de Sébastopol. En sortant du fumoir, on entrait dans le cabinet de travail, dont les croisées étaient doubles, et celles du dedans en vitraux coloriés, si bien que, par les journées tristes, on pouvait ne pas s’apercevoir de la nuance de l’heure. Les deux femmes avaient subi de si affreuses récurrences de leurs mélancolies par des après-midi brouillés et sous des cieux cruels ! Un grand bureau posé au milieu de la pièce avait devant lui un de ces fauteuils à pivot qui permettent au travailleur de se retourner vers la cheminée sans même se lever. Une petite table Tronchin offrait