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Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/58

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respirations, des circulations du sang, des jeux de muscles que nous sentons hostiles, probablement grâce à cet indéfinissable instinct de la vie qui pousse deux animaux d’espèce différente à se déchirer aussitôt qu’ils s’affrontent ? A. vrai dire, l’antipathie du délicat Hubert pouvait s’expliquer plus simplement par une inconsciente et subite jalousie envers le mari de Mme de Sauve ; car Thérèse, comme ce mari l’appelait en la tutoyant, avait aussitôt exercé sur le jeune homme un attrait irrésistible. Il avait souvent feuilleté, durant son enfance, un portefeuille de gravures rapportées d’Italie par son grand-aïeul, le soldat de Bonaparte, et, au premier regard jeté sur cette femme, il ne put s’empêcher de se souvenir des têtes dessinées par les maîtres de l’École lombarde, tant la ressemblance était frappante entre ce visage et celui des Salomés ou des madones familières à Luini et à ses élèves. C’était le même front plein et large, les mêmes grands yeux chargés de paupières un peu lourdes, le même ovale délicieux du bas des joues, terminé sur un menton presque carré, la même sinuosité des lèvres la même suave attache des sourcils à la naissance du nez, et, sur ces traits charmants, comme une suffusion de volupté, de grâce et de mystère. Mme de Sauve avait aussi, de ce type si absolument Italien,