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Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/86

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cette circonstance pour sauver justement par cette étrangeté les difficiles préliminaires d’un plus complet abandon de sa personne ?

Oui, cette joie était-elle vraie ?… Hubert se le demandait, un quart d’heure plus tard, assis auprès de Mme de Sauve devant la table carrée du petit salon, sur laquelle était disposé l’appareil nécessaire pour le goûter : la théière d’argent, l’aiguière d’eau chaude, les fines tasses. N’avait-elle pas emporté ces deux tasses de Paris avec elle, afin, sans doute, de les garder toujours ? Elle le servait, comme elle l’avait dit, de ses jolies mains, d’où elle avait retiré son anneau d’alliance, pour éloigner de la pensée du jeune homme toute occasion de se rappeler qu’elle n’était pas libre. Durant ces heures de l’après-midi, le silence de la petite ville se faisait comme palpable autour d’eux, et la sensation de la solitude partagée s’approfondissait dans leurs cœurs, si intense qu’ils ne se parlaient pas, comme s’ils eussent craint que leurs paroles ne les réveillassent de la sorte du sommeil enivré qui gagnait leurs âmes. Hubert appuyait sa tête sur sa main et regardait Thérèse. Il la sentait si parfaitement à lui dans cette minute, si voisine de son être le plus secret, qu’il ne ressentait même plus le besoin de ses caresses. Ce fut elle qui, la première, rompit ce silence, dont