Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/124

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commerce rencontrent une difficulté à se créer un milieu, qui les pousse, les uns à frayer avec les politiciens, les autres avec les écrivains et les artistes. C’étaient aussi quelques femmes d’avocats, désireuses d’assurer à leurs maris des comptes rendus favorables pour quelque prochaine plaidoirie. C’étaient… Mais le dénombrement de ces comparses serait fastidieux, comme leur fréquentation même. Ils représentaient pourtant le « salon » du petit hôtel de la rue Viète, une galerie devant laquelle Mathilde pouvait jouer à la femme du monde, une cour où elle pouvait régner, un public auprès duquel elle pouvait recueillir cet hommage à sa beauté, la vraie, l’unique passion de sa vie, qu’une circonstance imprévue allait lui fournir l’occasion de développer dans un plus vaste cadre. Cette circonstance, d’un ordre bien professionnel, bien peu chargé, semblait-il, de conséquences mondaines, se produisit au cours de l’année 1883. Le directeur d’un grand journal du boulevard offrit à Le Prieux le poste de critique dramatique, devenu libre par la mort subite du titulaire. Quoique le courrier théâtral n’ait plus la même importance, depuis que le compte rendu du lendemain remplace presque partout le vieux feuilleton du lundi, illustré par les Gautier, les Saint-Victor, les Janin, les Weiss, les Sarcey, — pour ne parler que des morts, — aucune fonction n’est plus convoitée dans la presse, et chaque vacance suscite vingt candidatures. Le Prieux n’avait même pas eu la peine de poser la sienne. Le sage calcul qu’il avait fait en