Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/155

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elle s’en prenait involontairement à tout ce que cette mère aimait et qu’elle détestait aussitôt. N’osant pas la condamner dans sa personne, elle la condamnait dans ses goûts. Elle haïssait ainsi, de cette haine irraisonnée, et Paris, et le monde, et les dîners en ville, et les bals, et les soirées, et les premières représentations, et les toilettes, et le luxe, tout ce décor enfin dont elle connaissait trop le prix. La vision du mas provençal qui, la veille, avait si étrangement traversé l’imagination du journaliste en train de corriger son épreuve, ne la quittait plus, elle, depuis la journée de septembre où ce coin de campagne méridionale lui était apparu. Elle s’était vue en pensée, habitant cette maison paisible et y vivant d’une vie simple, avec quelqu’un qui l’aimerait simplement, et ce cousin Charles, ce timide garçon, aux trois quarts provincial, avait trouvé le chemin de son cœur par sa gaucherie même. Elle s’était plue, dans l’innocente privauté de son parentage, à combattre chez lui une certaine ambition d’une existence plus brillante, qui le poussait, élève très remarquable autrefois de son collège, lauréat aujourd’hui de l’école de droit, à faire sa carrière au barreau de Paris. Et de causeries en causeries, de conseils en conseils, le cousin et la cousine avaient fini par s’éprendre, l’un à l’égard de l’autre, d’un de ces sentiments qui n’ont besoin, pour se communiquer et s’affirmer, ni de déclarations ni de promesses, — sentiment tout composé de respect enthousiaste de la part du jeune homme, de pudeur confiante de la part de la