Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/168

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de la boîte contenant les menus objets d’écaille pour se faire les mains. Elle était occupée, quand Reine s’avança pour lui dire bonjour, à brosser avec le polissoir ses ongles, lustrés comme de l’émail et taillés à côtes. Une cordiale et légère odeur d’ambre et de verveine avait été déjà vaporisée dans cette pièce, presque froide malgré la flamme souple qui brûlait dans la cheminée : les fenêtres sur lesquelles se dessinaient les fantastiques ramages du givre ayant été hygiéniquement ouvertes pendant une grande demi-heure. Ainsi surprise, dans cette besogne et avec cette toilette, dans ce décor et parmi ces parfums, la « belle Mme Le Prieux » eût donné une impression d’inguérissable enfantillage si son masque, blanc de poudre, n’eût été rendu tragique par les traces de l’âge, empreintes malgré tout sur les paupières, autour des tempes, dans les lignes de la bouche et dans les plis du cou. Il n’était pas jusqu’au contraste cherché entre les chaudes couleurs de la chambre et cette pâleur qui ne fît ressortir la dureté singulière de ses traits, demeurés beaux, mais d’une beauté presque sinistre qu’augmentait encore l’éclat si noir des prunelles. Elle les fixa aussitôt sur celles de Reine, tandis que la bouche, d’un pli si impérieux au repos, s’ouvrait pour dire, les premières questions sur leur sommeil et leur santé à toutes deux une fois échangées : — « Ma chère fille, j’ai besoin que tu m’accordes toute ton attention. Je dois avoir avec toi un entretien de la plus extrême importance… » — «