cela depuis des années, et, quant à ton père, il n’a reculé, pour m’aider, devant aucune besogne… Va, ce n’était pas facile. La Société a des préjugés contre les gens de lettres, plus encore contre les journalistes. Et je conviens que ce sont des préjugés souvent mérités. Ton père a été parfait. Il n’a pas écrit un seul article sans se souvenir qu’il était un homme du monde. Je dois ajouter qu’on nous en a su gré. Je te dis cela, afin que tu aies toujours de la reconnaissance pour ce pauvre homme qui a tant travaillé ! » L’inconsciente et orgueilleuse femme accompagna d’un nouveau silence et d’un soupir cet éloge, décerné au manœuvre conjugal qu’elle avait exploité, qu’elle exploitait si implacablement encore. Reine avait éprouvé, en écoutant cet exorde, cette étrange sensation de froid au cœur qu’elle connaissait trop, pour la subir chaque fois qu’elle rencontrait certains sentiments de sa mère. Cet obscur malaise s’augmentait encore de la solennité que semblait mettre Mme Le Prieux à ce discours préparatoire. Où tendait cette évocation des souvenirs de sa propre vie ? Reine ne voulut pourtant pas avoir laissé sans réponse cet appel à sa gratitude filiale, et elle dit : — « Je sais combien mon père travaille et ce que je lui dois, maman. Je vous assure que je ne suis pas ingrate… Hélas ! je trouve même qu’il travaille trop… » Elle n’avait pas mesuré la portée de ces paroles, qui lui étaient échappées si involontairement qu’elle
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