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Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/176

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travail et jouir d’un peu de bon air, et nos frais de maison seraient soulagés d’autant… C’est un rêve, n’est-ce pas ? Pourtant, il y a des rêves qui se réalisent… Il suffirait que ma charmante Reine eût rencontré au bal, à dîner, un peu partout, même chez elle, un jeune homme qui appréciât le trésor qu’elle est, un jeune homme qui comprît aussi ce que nous sommes et à qui nous apporterions ce qui lui manque : une vraie surface sociale, et qui t’apporterait ce que nous ne pouvons te donner, ton père et moi, à notre désespoir… » — « Et ce jeune homme, vous le connaissez ? » interrogea Reine : « Dites-moi son nom, maman, je vous prie… C’est ?… — « Ce jeune homme existe en effet, » répondit la mère, « et c’est Edgard Faucherot. » — « Edgard Faucherot ! » s’écria Reine : « Ah ! c’est pour me parler d’Edgar Faucherot que… » Elle n’acheva pas. L’image de son père venait de se présenter à sa pensée, et aussi le souvenir des paroles qu’il lui avait dites, en la quittant, une demi-heure auparavant, et leur commune émotion. Elle demanda : « Et mon père sait qu’Edgard Faucherot voudrait m’épouser ?… » — « Naturellement, » fit la mère. — « Et il approuve ce mariage ? » reprit Reine. — « Comment veux-tu qu’il ne l’approuve pas ? » répondit Mme Le Prieux, qui ajouta : « Et pourtant le cher homme ne sait pas la vérité sur nos affaires d’argent… » Une telle pâleur avait envahi les joues de la