Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/189

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verrait Charles le plus tôt possible, et elle le verrait seule. Elle s’adresserait, dans cette entrevue, à son estime, à sa foi en elle, à son amour. Elle lui demanderait de la croire, de croire qu’elle ne lui avait pas menti, qu’elle n’avait pas changé, qu’elle ne changerait jamais dans son affection pour lui ; — et elle lui déclarerait en même temps qu’ils devaient renoncer à leur rêve de mariage pour une raison qu’elle ne pouvait pas lui dire insurmontable, sacrée. Elle le supplierait, s’il l’aimait, de ne pas chercher à la savoir. Elle ferait appel à sa foi en elle, et il comprendrait la souffrance de cet appel, et sa sincérité. Elle l’eût bien compris, elle, s’il le lui eût adressé. Leurs mystérieuses fiançailles seraient rompues et ce serait pour tous deux un instant horrible. Du moins elle le quitterait bien sûre qu’il ne la méconnaîtrait pas. Une femme qui aime, fût-elle aussi naïve, aussi étrangère à tout esprit d’intrigue que l’était l’innocente et pure jeune enfant est toujours un peu tentée de s’excuser des moyens qu’elle emploie pour servir cet amour, même s’ils sont aussi tortueux que les mensonges des Agnès et des Rosines de la comédie. Reine n’était ni une Agnès, ni une Rosine. C’était une de ces charmantes filles de la vieille bourgeoisie française, toute finesse, mais toute vérité. Il y avait en elle une horreur innée du mensonge qui la fit, au moment de réaliser son plan, hésiter devant une des nécessités de l’exécution, qui paraîtra puérile aux émancipées du féminisme contemporain. Voici le détail de cette hésitation : causer avec son