Aller au contenu

Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/201

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’une gazelle sous la griffe d’une lionne, — si toutefois une telle comparaison est permise, à propos d’une personne aussi peu léonine que l’ancienne vendeuse de la maison « Hardy-Faucherot, Soie et Velours ». La commerçante six fois millionnaire est une petite femme de quarante-cinq ans, restée très mince, d’aspect encore jeune. Elle possède, si vous la détaillez, toutes sortes de traits qui devraient faire d’elle une femme distinguée : des pieds petits, des mains maigres, une tournure fine, un visage régulier, de grands yeux bruns encadrés de sourcils bien dessinés, des dents blanches et bien rangées. Elle est habillée à la dernière mode, et le renard bleu qu’elle porte ne déparerait pas le cou d’une princesse de sang. Avec cela, — expliquez ce mystère, — il y a, comme répandu sur tout son être, un caractère absolument, irrémédiablement commun. Elle est, si l’on peut dire, l’inverse exact de la duchesse, de tant d’allure avec tout ce qui devrait lui donner un aspect vulgaire : teint, taille et toilette. Durant la seconde qu’a duré leur rencontre sur le pas de la porte, on aurait pu saisir ce contraste de conditions extérieures, rien qu’en comparant la taille épaisse de Mme de Contay et la taille mince de Mme Faucherot, l’admirable fourrure de celle-ci et les vieilles zibelines passées et jaunies de celle-là. Pourtant, même ainsi aperçues, n’importe qui aurait reconnu qui était la duchesse et qui était la bourgeoise. A quel signe ? A l’aisance de la première et à la raideur de la seconde ? à l’espèce de bonhomie imposante, à la certitude gaie de l’une