Aller au contenu

Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bonheur… Je vous demande de me croire… » En répétant, pour la quatrième fois, ce mot de croire, où se résumait toute son imploration, sa voix se faisait plus pénétrante, comme si elle espérait communiquer au jeune homme qui l’écoutait, pâle à son tour, la ferveur de renoncement dont elle était possédée. « Et je vous demande de me croire encore quand je vous dis que je dois renoncer à ce bonheur pour une raison telle que je ne peux ni m’y soustraire, ni vous la révéler, et que vous, vous ne devez pas m’interroger… » Jamais ce charmant visage, d’ordinaire si réservé, si fermé par la délicate pudeur de ses propres sentiments, n’avait laissé transparaître davantage l’ardeur un peu farouche de ses affections intimes. Jamais ces doux yeux bruns n’avaient été éclairés d’une flamme plus intense, et les notes étouffées qui passaient dans son accent dénonçaient le vif émoi de son cœur, dont Charles pouvait deviner les battements, à travers l’épaisse fourrure du corsage, tant son sein virginal se soulevait, palpitait de tendresse. En tout autre moment, il eût eu pitié de ce trouble si douloureux, mais il était lui-même en proie à une surprise trop cruelle et trop violente pour ne point passer outre, et, quand Reine se fut tue, cette surprise éclata en un cri de révolte presque brutale : — « Il ne me semble pas possible que je vous aie bien comprise… » fit-il. « Voyons, » et il promena sa main sur son front pour retrouver la conscience de sa pensée. « C’est pourtant vrai. Je ne rêve pas