Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais elle le repoussa d’un geste. Un afflux de sang lui était revenu au visage. Elle avait rouvert les yeux, et l’indignation de sa sincérité méconnue perça dans son beau regard, qui se fixa sur lui avec une énergie étrange. Puis, au lieu de parler, elle tourna brusquement le dos à son cousin et se mit à courir, comme quelqu’un qui fuit une insupportable chose, vers Mlle Perrin, qui se trouvait à quelques pas de là, et elle l’appela d’une voix redevenue ferme : — « Fanny, Fanny. Il faut rentrer. Nous avons tout juste le temps… Vite, vite… » Le jeune homme n’essaya pas de lui parler non plus, il n’essaya pas de la retenir et pas davantage de la suivre. Il ne prit même pas congé des deux femmes. Reine et Mlle Perrin avaient déjà tourné l’angle du bâtiment de l’Orangerie qu’il était encore là, près de l’arbre contre lequel la jeune fille s’appuyait tout à l’heure, comme hypnotisé de l’épouvante de ce qui venait de se passer. Il écoutait les aboiements des collies en train de jouer avec la vieille dame étrangère, qui s’étaient éloignés vers un autre coin, et dont les bonds se rapprochaient de nouveau… Il regardait, à travers les branches nues des arbres, les patineurs aller et venir sur le bassin gelé, les statues grises profiler leurs lignes, la place de la Concorde ondoyer de voitures, l’Obélisque dresser son aiguille rose entre les fontaines, à côté des dieux cuirassés de glace brillante, — et la silhouette sombre de Reine s’en aller là-bas, là-bas… Tous ces détails du décor