Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/243

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il interpella le cocher qui s’arrêta pour répondre à sa question : — « Ces dames sortiront dans une demi-heure… Madame m’a donné une lettre à porter chez M. Crucé… » — « Je vais justement de ce côté », fit Hector, qui, en se penchant, avait aperçu l’enveloppe dans le casier de devant. Il ouvrit la portière, et prit la lettre en ajoutant : « Vous pouvez retourner aux ordres. Vous direz à Madame que je me suis chargé de la commission… » Ces deux courtes scènes, — la survenue de Fanny Perrin, son discours, sa fuite d’une part ; de l’autre, la descente de la voiture, son arrêt, la prise du billet destiné à Crucé, — avaient été si rapides, elles s’étaient succédé d’une façon tellement inattendue, qu’Hector Le Prieux aurait pu croire qu’il avait rêvé, s’il ne s’était retrouvé sur le coin du trottoir, à l’angle des rues du Général-Foy et de Lisbonne, cette lettre de sa femme à la main. En la saisissant comme il avait fait, dans le casier du coupé, et disant au cocher ce qu’il lui avait dit, il avait obéi au mouvement le plus impulsif, lui, l’homme pondéré par excellence, au plus irraisonné aussi. Il savait trop bien ce que contenait cette enveloppe, dont il regardait la suscription avec une espèce d’hébétement : « A Monsieur, Monsieur Crucé, 96, rue de La Boëtie, » et, au bas : « A porter, pressée. » Mathilde s’était retirée avant le déjeuner pour écrire ce mot, d’accord avec lui. Pourquoi donc l’avait-il intercepté ?