Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/263

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vous-même, dans notre vieux préjugé français qui veut que les enfants ne se marient que par l’entremise des parents. Si vous y aviez strictement obéi, si vous étiez venu à moi, ces temps derniers, me parler, avant de lui parler à elle, vous lui auriez épargné des émotions bien inutiles, et vous ne l’auriez pas froissée, d’une manière peut-être irréparable. C’est une sensibilité très vive et très profonde, et votre doute sur elle a dû lui faire un mal horrible. Laissez-moi le soin de sonder sa plaie, et, encore une fois, puisqu’il y a un malentendu à dissiper, de le dissiper… J’ai votre parole que vous ne ferez plus rien que par mes indications ?… » — « Vous l’avez, » répondit le jeune homme, qui, dans un élan de reconnaissance, prit entre ses mains les deux mains de son interlocuteur. — « Et que vous m’obéirez en tout ?… » — « Et que je vous obéirai en tout… Ah ! monsieur Le Prieux, je vous aimais déjà beaucoup, mais maintenant… » — « Maintenant, » interrompit le père, qui, visiblement, redoutait sa propre émotion, « vous allez commencer à tenir votre parole, en vous asseyant à cette table, et en écrivant une lettre à Reine où vous lui demanderez pardon de vos paroles de ce matin… Cela vous étonne ? Mais j’ai mon plan. J’ai mon plan… Allons, » ajouta-t-il, avec cette ironie attendrie, que les hommes qui vieillissent ont volontiers pour les jeunes gens, des amours desquels ils sourient, en les enviant secrètement : « Faut-il que je vous la dicte, cette lettre ? Ecrivez et mettez