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Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/321

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collège. Il a trouvé le moyen d’achever ses devoirs et d’apprendre ses leçons auparavant… Cela ne te fait pas un peu de honte, toi qui as tant de mal à te lever et qui n’arrives pas à ranger ta table ?… » Nous entrions donc dans ce petit appartement, que je détestais. Cet ordre seul des meubles faisait un reproche muet à mon désordre, et le geste complaisant par lequel mon oncle flattait les sombres boucles fines de « son petit ami, » comme il disait encore, m’était d’autant plus intolérable qu’il contrastait avec la parfaite froideur que me montrait M. Montescot. Le philosophe avait concentré toute sa tendresse sur son prétendu pupille. C’était trop naturel que je n’existasse pas pour lui. Une conversation commençait entre les deux hommes, où le soi-disant tuteur ne manquait jamais de glisser un éloge d’Octave, auquel mon oncle faisait écho, et je voyais une naïve reconnaissance illuminer le joli visage de mon camarade, à qui j’en venais à envier et cet éloge et cet appartement. Que tout y respirait la pauvreté cependant ! M. Montescot n’avait guère trouvé de leçons, malgré les démarches du docteur Pacotte. Il vivotait de petites rentes, six ou sept cents francs, je ne sais plus, et de travaux, mal payés, dans quelques-unes des vastes entreprises de librairie qui abondèrent durant ces années-là. Là-dessus, il fallait manger à deux, s’habiller, payer la pension du lycée. Le seul luxe de ce logis était une petite bibliothèque vitrée, sur les tablettes de laquelle se voyaient quelques livres rares, et cinq ou six objets que le maître du lieu