Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/376

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son fils avait passé. Elle ouvrait elle-même les volets, enlevait la poussière des meubles, dépliait les petits vêtements qui gardaient la forme du petit corps… C’était ce rite inutile et passionné de sa piété navrée qu’elle allait accomplir encore… La gerbe des bruyères s’était épaissie jusqu’à être trop lourde pour ses mains. Elle les tenait maintenant à pleins bras, et, tout heureuse et désespérée à la fois de cette vaine moisson, elle redescendait vers la villa, qui apparaissait à travers les pins d’Alep, les palmiers et les yuccas, toute rose en effet, couleur de joie et d’espérance. Et c’était une tragique et poignante apparition que cette jeune femme blonde, tout en noir, avec sa gerbe odorante de bruyères blanches, en train de marcher vers cette maison aux teintes claires, sous ce clair azur, dans ce verdoyant jardin — comme on s’achemine vers une pierre de tombe, pour la fleurir et y pleurer !

V

… La mère était entrée dans la villa par la porte de derrière, si abîmée dans ses pensées, qu’elle n’avait même pas remarqué le cocher en train de laver devant l’écurie les roues de la charrette anglaise, — ce qui signifiait que sa mélancolique promenade avait duré bien plus que la messe. Guy et Alice étaient rentrés depuis longtemps déjà. Auss