Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/378

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comme nous avions fait l’année dernière. Il était si content ! Comme je voudrais le revoir et l’embrasser ! » — « C’est impossible puisqu’il est mort. Mais nous le retrouverons au ciel, » reprenait la petite fille. — « Si pourtant il ressuscitait ? » répondait le petit garçon. « Lazare est bien ressuscité, et Notre Seigneur… Je le demande au bon Dieu tous les soirs et tous les matins. Maman aussi, j’en suis sûr… Ce serait un miracle, voilà tout. Et pourquoi le bon Dieu ne nous l’accorderait-il pas ?… Car, enfin, il y a des miracles… » Le naïf croyant de neuf ans qui prononçait ces paroles ne se doutait pas qu’en effet un miracle s’accomplissait à sa voix, tout près de lui, — une résurrection aussi, celle de la justice et de la pitié, de l’affection et du devoir, des généreuses et hautes vertus, dans l’âme de celle qui avait été si près de devenir, pour sa sœur et pour lui, la plus implacable des marâtres. De surprendre ainsi la preuve enfantine du souvenir que les deux orphelins gardaient à leur frère mort, venait de la remuer jusque dans la chair de sa chair, et, avec une crainte d’être grondés, changée aussitôt en une si douce effusion, Guy et Alice virent la porte s’ouvrir toute grande, et la mère entrer, — leur mère, — et elle leur tendait ses fleurs en leur disant : « Donnez-lui celles-là avec les vôtres… » et elle les prenait tous deux à la fois, les serrant contre sa poitrine, passionnément, follement, comme elle eût serré l’autre.