Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/54

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i me préoccupe, d’abord parce que je te sais mon ami, et puis pour avoir le droit de te demander un service, vraiment en dehors, je m’en rends compte, de nos habitudes. Je te répète ce que je te disais en commençant : tu répondras non, si tu veux répondre non… Voici… Je veux savoir à quoi m’en tenir sur ce Robert. Je le veux… » — et il mit dans ce mot l’indomptable énergie de sa nature si concentrée. — « J’ai pensé à me rendre moi-même chez lui, pour le faire parler. Puis, j’ai raisonné. Il m’a vu chez mon père. Très probablement, il a deviné que j’étais l’enfant de la maison. Il se défiera… Hé bien ! Toi qu’il ne connaît pas et dont il ne peut pas se défier, veux-tu te charger de cette démarche ?… Cet homme est un indigent. Il mendie chez mon père, ailleurs encore. Je l’ai compris aux renseignements de la concierge. Tu viens chez lui, par charité. Tu lui laisseras une aumône. Comme cela ta conscience sera tranquille. Et tu le feras causer. Tu sauras sa vie, qui il est, d’où il vient, enfin quelque chose… »

— « Je saurai ce qu’il voudra bien me dire, » répliquai-je, « mais, pour toi, j’essaierai de le faire parler… Ne me remercie pas, » continuai-je, comme il me prenait la main à nouveau, et me la serrait d’une de ces étreintes viriles, plus éloquentes que toutes les protestations, « c’est trop simple… Et quand veux-tu que j’aille voir cet homme ? »

— « Tout de suite, » fit-il vivement, « si c’était possible. Je viens du faubourg Saint-Jacques. Il est chez lui… »