Page:Bourget - Drames de famille, Plon, 1900.djvu/89

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à travers son supplice intime, elle s’était lavée de sa faute ! Elle en acceptait, elle en réclamait l’entier châtiment, prenant tout sur elle, avide seulement d’expier pour deux, anxieuse d’éviter à son complice, au vieux compagnon de toute sa vie, le coup suprême dont elle venait d’être frappée. Dans quel repli de son cœur le fils aurait-il trouvé la force de la juger et d’agir autrement qu’il n’agit ? Il vint à elle, et la serrant dans ses bras, il lui disait : — « Maman, ma chère maman, ne souffre plus, ne pleure plus. Tout peut s’effacer, se réparer. Je serai riche. Je rendrai cet argent. Je guérirai ce malheureux… Regarde-moi… Souris-moi. Tu sais que je suis un honnête homme. Je te jure que je n’ai pour toi en moi que de la tendresse, de la vénération. Tes larmes ont tout effacé, et moi je ferai le reste. Et nous serons tous heureux, je te le promets… » Elle avait posé son front sur l’épaule du jeune homme, et elle l’écoutait sans lui parler, en secouant seulement cette pauvre tête blanchie, d’un geste doux qui répondait : « Non » à ces promesses d’espérance, — le « non » résigné des mourants, à qui l’on décrit les promenades qu’ils savent bien ne jamais devoir faire, les plaisirs qu’ils ne goûteront plus. Et cette dénégation muette exprimait tellement la vérité d’une détresse sans remède qu’il finit par se taire, lui aussi, mais gardant toujours la vieille tête appuyée à son épaule, la berçant, la caressant, jusqu’à ce qu’un bruit trop connu les