Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/101

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C’est la raison pour laquelle le sang du jeune homme courait plus vite dans ses veines lorsqu’il se retrouva, quarante-huit heures après la brusque séparation du Bois, sur le trottoir de cette paisible rue de Pomereu. Imaginez qu’on lui eût donné à choisir, dans ce moment-là, entre ces deux alternatives : — d’une part, être reçu par Hilda avec un sourire et acquérir la preuve qu’elle avait commis les vilenies dont elle avait été accusée, — ou bien être renvoyé, mais avec la preuve qu’elle n’avait jamais manqué à sa modestie ? Il eût préféré son propre échec, et la certitude de la pureté de la jeune fille. Il n’avait fallu, pour accomplir ce travail dans son esprit, que ces deux jours de réflexions.

Il faisait un ciel voilé, cet après-midi-là, quand, vers les quatre heures, Maligny passa le seuil de la porte derrière laquelle il avait vu la jeune fille disparaître le premier jour, alors qu’il ignorait tout d’elle encore et qu’il la croyait une simple aventurière. Un dernier frisson d’hiver courait dans ce ciel d’avril, qui avait été si doux à leurs trois rencontres. Oui. Ils ne s’étaient vus que trois fois, et il semblait à l’amoureux qu’il connaissait la mystérieuse enfant depuis toujours… Il constata, au premier coup d’œil, que la cour était vide. La silhouette alourdie de Bob Campbell n’était pas là pour la remplir de son importante présence, ni celle, osseuse et maigre, de Jack Corbin pour y mettre une note de pittoresque. L’heureuse chance de Maligny et la malheureuse chance de Hilda voulaient que le père fût en train d’essayer, à la Porte-Maillot, une jument trotteuse et que le cousin s’occupât d’un dressage dans un manège voisin. Les garçons d’écurie vaquaient à leur besogne, et leur jeune maîtresse était seule dans la petite pièce, au rez-de-chaussée d’Epsom lodge, qui servait de bureau au maquignon. Son fin profil se penchait