Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/125

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qu’en lui parlant de cette offre de mariage et de sa réponse, elle ne lui dît la vérité. Pourtant, il n’eut pas de cesse qu’il n’eût aussi tiré au clair l’histoire du bijou offert par le Rajah.

— « Et l’on m’a conté quelque chose encore, » dit-il, sans chercher d’autres procédés diplomatiques pour poser sa dernière question. « Oui, »insista-t-il, « que si vous aviez voulu, vous seriez maintenant Ranee aux Indes. C’est bien le nom que l’on donne aux femmes des Rajahs ? »

— « Je n’aurais jamais cru que l’on pût tant s’occuper d’une pauvre petite Hilda Campbell, » dit-elle en riant à belles dents. « Moi, Ranee ? Mais je n’ai jamais quitté l’Europe. Il est vrai que nous avons eu en pension, ici, les chevaux d’un des Rajahs qui étaient allés au dernier jubilé de la reine… Il a passé six mois à Paris, avant de retourner en son pays. Il a donné, à mon père et à Jack, en s’en allant, des épingles de cravate étonnantes, et, à moi, un diamant, mon seul diamant ! — Pour devenir la Ranee de ce Rajah, il aurait fallu me faire mahométane. Il était musulman. »

Un détail eût achevé de convaincre de son absolue sincérité un plus défiant qu’un amoureux de vingt-cinq ans, trop épris, d’ailleurs, pour ne pas être crédule. Cet entretien achevé, elle montra une totale absence de curiosité sur ceux ou celles qui avaient communiqué ces renseignements — ou d’autres, qu’il n’avait pas dits — à son interlocuteur. La pure enfant était si forte de son innocence, qu’elle ne pensait pas à se défendre contre les calomnies. Elle ne les imaginait pas comme possibles, même quand on les lui rapportait. Surtout, elle n’imaginait pas que son compagnon de promenade y eût prêté attention une minute. Elle pensa qu’il les lui avait répétées, pour en rire ensemble. Ainsi avaient-ils fait.