Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/179

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à son tour. Ses yeux exprimèrent le passionné désir qui l’avait saisie de se rapprocher de lui, comme tout à l’heure, de poser sa tête sur cette poitrine où battait ce cœur qu’elle croyait si à elle, de sentir derechef, sur son front et ses paupières, l’effleurement de ces lèvres, à travers lesquelles passaient des mots si doux à entendre. Un coup frappé à la porte par un des garçons d’écurie, qui venait l’avertir de la présence d’un visiteur, la fit, au contraire, se rejeter en arrière et retirer ses mains. « J’y vais, » dit-elle, avec un nouvel afflux de son sang à ses joues. Jules l’avait déjà vue bien des fois rougir ainsi. Jamais les signes de la pure et folle sensibilité de ce cœur virginal ne l’avaient lui-même ému de la sorte. Elle s’était levée. Il l’imita.

— « Alors, vous m’attendrez demain ? » demanda-t-il, et il ajouta : « Pas avant demain ? »

— « Pas avant demain… » répliqua-t-elle. « Mais à neuf heures, bien exactement… Juste à la place où vous avez risqué votre vie pour moi, voulez-vous ? »

— « C’est convenu, » dit-il ; et, cherchant un mot d’amour, afin de répondre à ce qu’il y avait de si tendre dans le choix de cet endroit de rendez-vous : « À demain donc, à neuf heures, et là-bas, ma fiancée… »

Un dernier regard, un dernier soupir, un dernier sourire, — et tous deux s’éveillaient de l’espèce de songe qui les avait emportés dans son vertige ; elle, pour s’occuper humblement de présenter les chevaux de son père à un acheteur possible ; — lui, pour reprendre le chemin de l’hôtel Maligny, — cet hôtel où miss Campbell entrerait bientôt en maîtresse, si les promesses échangées n’étaient pas de vains mots. Elles ne l’étaient certes pas, à cet instant, pour l’amoureux. L’ivresse où l’avaient jeté, d’abord la révélation des sentiments de Hilda, puis sa présence,