Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/198

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trop douloureuse pour son sentiment. Ces deux semaines avaient donné à Hilda, du moins, le temps de se préparer. Pour la première et la dernière fois de sa vie, la véridique enfant, et qui se faisait scrupule même des petites tromperies de complaisance ou de politesse, avait sciemment et délibérément menti. Elle avait pris, devant son cousin, toute la responsabilité de la rupture avec Jules. Elle lui avait dit que Me de Maligny avait refusé son consentement, que Jules avait voulu n’en pas tenir compte, mais qu’elle-même, Hilda, lui avait rendu sa parole, afin de ne pas entrer dans la famille d’un homme d’une condition supérieure à la sienne, par force et contre la volonté d’une mère. Jack Corbin l’avait regardée, tandis qu’elle parlait, si fixement quelle s’était sentie devinée. Mais, ce qu’elle voulait à tout prix, c’était que son cousin ne jugeât pas tout haut celui qu’elle aimait. Elle avait donc eu l’énergie de soutenir son mensonge, d’un ton qui ne permettait pas la discussion. L’entretien s’était terminé sur une demande que le nom de Jules de Maligny ne fût plus jamais prononcé devant elle. On sait que Corbin était un personnage de peu de paroles. Il n’avait pas discuté, en effet, et il avait obéi à l’impérieuse supplication de la jeune fille. Jules de Maligny n’avait pas été mentionné une fois par lui, durant ces six mois. Mais le fantôme de l’infidèle fiancé n’avait pas cessé d’être là toujours, entre eux deux. Quand Hilda traversait la cour, à présent, soit pour aller mettre à jour les comptes de la maison dans le petit bureau, soit pour marcher vers un cheval qui l’attendait bridé, le grand Jack la suivait avec des yeux d’une pitié si attendrie ! Comment la mettre en selle sans constater le dépérissement de la délaissée ?… Elle pose le pied sur la paume de sa main. Il la soulève. Comme elle