Aller au contenu

Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/249

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui courait légèrement sur la terre battue et roulée du court, ses pieds si minces dans leurs souliers sans talons, la taille si souple dans la blouse, la main si preste à ramasser la balle d’un coup de raquette ; et l’enfantine vanité de déployer son talent de joueuse devant Jules lui mettait une telle flamme aux yeux, un si frémissant sourire aux lèvres et, aux joues, une si brûlante rougeur !

— « Elle est aussi jolie que Hilda, aussi simple et aussi vraie. Et elle, du moins, je pourrais l’épouser… Ce ne serait pas, non plus, une aussi grande folie. Elle a quelque chose, de quoi garder, au moins, l’hôtel de la rue de Monsieur et La Capite… »

Telle était la petite phrase sur laquelle l’inconstant jeune homme était rentré chez lui pour y trouver la dépêche bleue de Mme Tournade et la lettre de Bob Campbell. Il n’eût pas eu ses vingt-cinq ans s’il n’avait pas éprouvé, à recevoir l’une et l’autre missive, une intense et secrète exaltation de tout son être. « J’aimais à aimer, » a dit, de sa jeunesse, le plus humain des Pères de l’Eglise. Ce saint docteur aurait dû, pour être tout à fait sincère dans cette confession de ses expériences sentimentales, ajouter : « Et j’aimais à être aimé. » Cette volupté du sentiment inspiré n’est pas uniquement de l’égoïsme. Il y entre, certes, beaucoup d’orgueil, mais, aussi, beaucoup de cette fièvre de la vie, qui sert d’absolution à tant de fautes de cet âge, parce qu’elle est exclusive du calcul. La preuve qu’en effet aucun calcul n’avait vraiment place dans Jules de Maligny, toujours à la veille de succomber aux pires tentations de luxe et de plaisir, mais non moins prêt, toujours, aux entraînements les plus désintéressés, c’est qu’il jeta de côté le billet de Mme Tournade aussitôt lu. L’impatience, évidemment piquée, avec laquelle la riche veuve le sommait de venir causer avec elle était le signe qu’il la préoccupait