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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/251

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voulait laisser à Hilda le temps de se rendre libre. Il griffonna un second billet à l’adresse de Mme Tournade, où il lui demandait si elle pouvait le recevoir à déjeuner ce même lendemain. L’un et l’autre messages furent confiés au portier Firmin, qui ne put se retenir d’une exclamation, lorsqu’il prit connaissance des deux adresses comme de juste, une fois entré dans sa loge :

— « Rue de Pomereu ?… Mais c’est le domicile de ce grand escogriffe d’Anglais… Mme Tournade ? C’est encore sa vieille cocotte dont on raconte qu’elle veut l’épouser… Un comte de Maligny !… C’est égal j’aime encore mieux la vieille que la jeune… Il n’y a pas d’Anglais, du moins, de ce côté-là. Quelle figure il avait ! Dieu, quelle figure !… Ne devrais-je pas, de nouveau, prévenir la maman ?… Pas encore. Il ne faut pas l’inquiéter, la pauvre comtesse. L’affaire de ce printemps l’avait tant vieillie… En attendant, Firmin, ouvre l’œil, et le bon… »

Le digne homme ne suivit que trop à la lettre le conseil qu’il se donnait ainsi à lui-même, car s’étant rendu, de son pied le plus léger, aux Champs-Elysées d’abord, peu s’en fallut qu’il ne fût insulté par le cocher Gaultier, occupé à se lamenter dans la loge sur le renvoi inqualifiable dont il était l’objet. On juge si l’homme d’écurie congédié supporta patiemment le regard scrutateur et insolent du messager de celui qu’il continuait d’appeler le « gigolo ». Mais ce regard eut surtout du succès dans la maison Campbell, où Firmin se rendit ensuite. Ce fut Hilda qui vint lui ouvrir, quand il eut frappé à la porte d’Epsom lodge, après avoir franchi, sur les indications presque inintelligibles du lad de garde, la longue cour à peine éclairée. Son expression, en remettant la lettre de son maître, était si évidemment méprisante, que la jeune fille eut, derechef, l’impression