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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/288

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à des jeunes filles… Il n’a pas fait cela non plus. Il ne l’a pas fait… Non, non, non… Mais pourquoi cette miss Campbell me regarde-t-elle, aussitôt qu’elle croit que je ne la regarde pas ! Et quand ce n’est pas moi qu’elle regarde, c’est M. de Maligny… Pourquoi ?… Elle le connaît, c’est certain. Car il l’a saluée, de loin, quand elle est arrivée, je l’ai bien remarqué… De loin ? Pourquoi encore ? Mais, s’il lui fait la cour et qu’il veuille me le cacher, c’est tout naturel… Alors, la lettre dirait vrai ?… Non, non. Et toujours non… Un instinct m’avertirait. Je serais jalouse. Je l’ai tant été de cette Mme Tournade, sur le bateau et depuis !… Avec cette miss Campbell, c’est le contraire. J’ai éprouvé pour elle, au premier regard, une sympathie. Je l’éprouve maintenant, à cette minute même. Je sens qu’elle ne m’est pas une ennemie… Sa façon de porter la tête, son regard, son expression, tout me plaît d’elle, autant que tout me déplaît de l’autre… C’est un fait qu’elle est charmante… Elle m’a encore regardée. Mais pourquoi ? C’est elle, peut-être, qui aime M. de Maligny… Ce serait si naturel… Ah ! Qui donc a pu m’écrire cette lettre ?… »

— « Que cette Mlle d’Albiac est jolie !… » se disait Hilda. « Est-il possible que Jules hésite entre elle et cette affreuse Mme Tournade ?… » Et son mépris d’experte écuyère venant à l’aide de ses rancunes de femme : « Il n’y a qu’à les regarder monter à cheval toutes deux… Quel paquet, celle-ci ! Et Mlle d’Albiac, quelle grâce !… J’aurais tant cru que je serais jalouse d’elle, quand je la connaîtrais, comme de l’autre… Comme c’est drôle ! Cette jalousie, je ne l’éprouve pas, mais pas du tout… Comme elle porte la tête, avec tant de fierté et d’élégance ! Comme elle regarde, avec quels yeux, si fins et qui doivent pouvoir être si tendres, qui sont si sincères !… Oui. Voilà le trait dominant de sa physionomie : la