Aller au contenu

Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le bureau de Campbell : — le Christ au Jardin des Oliviers, d’Holman Hunt ; — un groupe d’ondines empressées autour d’un chevalier, sur une plage, par Leighton, — d’autres encore. C’étaient, dans la bibliothèque, quelques volumes de poésie : le Golden Treasury, un Shakespeare, un Wordsworth, un Byron. Il est vrai qu’un lot de ces médiocres romans, que l’on appelle là-bas des penny novels, attestait que ces goûts de culture n’avaient pas été portés très loin chez la mère de Hilda. Cette grâce d’instinct avait passé, évidemment, dans la fille. Ce qu’il y avait de si particulier dans le regard de la jeune écuyère, de si frémissant dans son sourire, de si nerveux dans tout son être, ne s’expliquait point par la seule hérédité de l’honnête, mais rudimentaire Campbell. Si elle tenait de lui, et aussi de son existence de gymnaste, l’énergie musculaire, l’endurance, cette physiologie d’amazone entraînée, à sa mère elle était redevable de cette distinction de nature, de ce tour d’âme — osons le mot — qui voulait qu’elle conservât des façons si féminines dans un métier qui l’était si peu, une délicatesse irréprochable de discours dans un milieu de palefreniers, et l’aventure que je voudrais conter, et à laquelle j’arrive, ne le montrera que trop, le cœur le plus follement romanesque. Cela encore achève, pour mon souvenir, d’angliciser ce paradoxal endroit, ce minuscule îlot de vie britannique encastré en plein Paris et disparu comme l’Atlantide, pour ne laisser qu’une légende. Il y a dans cette étrange race britannique, des côtés si intensément idéalistes juxtaposés à des côtés si durement, si âprement positifs ! Tous les pouvoirs du rêve voisinent, chez elle, avec le plus exact, le plus dur réalisme. Comme il eût mieux valu, pour la pauvre Hilda, qu’elle n’eût pas été aussi complètement une enfant de cette île, baignée de brumes, où les femmes,