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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/51

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pour nous tous… Vous êtes encore trop émue, madame, pour ne pas désirer rentrer au plus vite. Si vous m’y autorisez, j’irai chez le commissaire de police le plus proche, à votre lieu et place… en votre nom. »

Hilda Campbell hésita une seconde. Elle comprit bien que son sauveur employait ce moyen détourné pour ne pas se séparer d’elle ainsi. Cette insistance, dont le but évident était contenu dans ces deux derniers mots : « Votre nom, » trahissait un intérêt commençant qui lui fit soudain chaud au cœur. Il eût été naturel qu’elle cédât aussitôt à cette impression. Tout au contraire, un irrésistible instinct de défense, le signe, chez la femme, le plus certain d’un début d’amour, la fit se dérober d’abord à l’inquisition déguisée du jeune homme et à son propre désir :

— « Je ne sais pas encore ce que je ferai… » répondit-elle. « Je dois réfléchir, consulter… J’ai votre adresse, » continua-t-elle. « Si je me décide à déposer une plainte, vous serez averti… Adieu, monsieur. »

Un nouveau remerciement lui vint aux lèvres, après ces phrases si sèches, si peu révélatrices de l’émotion qu’elle éprouvait déjà. Ce remerciement, elle ne le formula pas. Elle inclina sa tête en signe d’adieu, d’un mouvement où il y avait plus de raideur encore que de grâce. Et, pourtant, son cœur battait à se rompre sous son corsage, dont le col, rattaché par une épingle piquée en toute hâte, dénonçait encore, par son désordre, l’effroyable danger couru quelques minutes auparavant, et elle paraissait si ingrate envers celui qui l’en avait délivrée, au péril de sa propre vie, — comme un des chevaliers de ces romans de Scott, chers à sa mère : un Ivanhoë ou un Noir-Fainéant ! Au bord de son chapeau, le débris de son voile mettait comme une frange. Les mèches de