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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/69

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il poursuivait :« Imaginez-vous, docteur, que je continue à ne pas savoir son nom. Mais je serai bien vite renseigné. Elle envoie, tous les jours, prendre de mes nouvelles, sans jamais un mot d’écrit, par un Anglais, un de ses compatriotes, sans doute… François, qui s’y connaît, croit que c’est un lord, tout simplement… Je suppose que c’est un monsieur à qui elle n’aura pas raconté que j’ai vingt-cinq ans et qui sera fièrement étonné quand je lui dirai : How do you do ?… »

— « Hé bien ! vous pourrez aller demain rendre visite à votre milord et sa milady de la main gauche, qui a bien failli vous coûter la main droite, » dit enfin l’homme de l’art à Jules, au terme d’une de ses visites, après avoir emmailloté la main cicatrisée, pour la dernière fois, par excès de précaution. « Mais, » et sa voix se fit sérieuse, « souvenez-vous que vous avez reçu un avertissement… » On imagine bien que Mme de Maligny n’avait pas pris pour médecin un libre penseur. « Oui, » insista-t-il, « à votre place, je me défierais d’une relation commencée ainsi. J’ai toujours observé, dans ma vie à moi, que j’avais eu tort de passer outre quand les débuts de mes rapports avec quelqu’un étaient marqués par une première difficulté… »

— « Vous n’allez pas me dire que vous croyez aux augures ? » dit le jeune homme en riant.

— « Je crois qu’il y a plus de choses dans le monde, que n’en connaît notre philosophie, comme un Shakespeare l’a écrit, ce qui signifie, pour moi, qu’il y a de l’occulte dans notre existence… Avec mes idées, j’explique cet occulte par la Providence. Appelez-la le Sort… Le fait reste le même… » — « Ce brave docteur Graux a cru m’impressionner avec son avertissement… », songeait Maligny en se