Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/75

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un Anglais ? L’individu qui venait prendre de mes nouvelles, de sa part, ne pourrait-il pas être un groom, tout comme ce grand faraud avec son fouet ?… »

Sur ce monologue, aussi peu perspicace qu’il était peu édifiant, l’aimable étourdi pénétrait dans la cour, pavée, sablée et entourée de box, au centre de laquelle le marché se continuait. Bob Campbell et sa fille semblaient n’y prendre aucune part. Celle-ci flattait de la main, distraitement, l’encolure du cheval cap de maure, dont Corbin faisait, maintenant, les honneurs. Il ouvrait de force la bouche de la bête, écartait la langue et montrait les dents, signe de l’âge. — Il lui relevait les jambes de devant l’une après l’autre pour constater la qualité de la corne et l’état des soles. On entendait les phrases classiques, gutturalement jetées par l’Anglais : — « Sain et net… Pas de seimes. Pas de bleimes. Pas de mollettes. » Le monsieur et la dame assistaient à cette démonstration de l’excellence de la bête avec cette attention de demi-connaisseurs qui fait, d’une vente et d’un achat de cette sorte, un aussi sérieux et aussi comique débat qu’un entretien entre deux diplomates dont l’un garde en poche, à l’insu de l’autre, un télégramme réglant la question en litige… L’arrivée de Maligny fut un coup de théâtre qui interrompit soudain le brocantage. Hilda Campbell le vit la première. Sa distraction était grande, depuis qu’elle avait remis pied à terre, et ses beaux yeux bleus ne quittaient guère la porte grande ouverte. Le jeune homme resterait-il à l’attendre dans la rue ? Se déciderait-il à passer sur le seuil ?… C’était lui !… De nouveau, l’émotion de la pauvre enfant fut si forte que l’ondée de son sang pur colora ses joues minces d’une pourpre brûlante. Ses doigts se crispèrent autour de sa cravache. Oui, qu’elle était jolie ainsi, debout, sa