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IV

COMMENCEMENT D’IDYLLE


Ce subtil et impulsif Jules de Maligny avait trouvé sur place le plus sûr moyen de justifier de nombreuses visites dans ce coin de la rue de Pomereu où tout son cœur allait tenir, — pendant combien de temps ?… Tout son cœur ? Non, mais toute sa fantaisie, ce qui, à vingt-cinq ans, est tout près de revenir au même, quand il s’agit d’une nature telle que la sienne : imaginative et sensuelle, toujours disposée, par suite, à parer d’illusion son égoïsme, à prendre des désirs pour des sentiments et de la volupté pour de l’émotion. L’excellence du procédé inventé par le jeune homme résidait en ceci que l’achat d’un cheval reste, entre toutes les négociations humaines, celle qui comporte certainement le plus d’allées et de venues, d’interruptions et de reprises, de demi-engagements et de dédits. Comment Bob Campbell et Jack Corbin se fussent-il étonnés de le voir reparaître l’après-midi, puis le lendemain, puis le surlendemain, faire de longues stations dans leyard, examiner une bête, en demander une autre, annoncer qu’il en essaierait une troisième, alors qu’ils étaient habitués à des clients qui les traînaient ainsi, de jour en jour, avant de prendre une décision ? Le plaisant était que Jules n’avait pas le premier sou des quatre ou cinq mille francs que représentait l’achat du hunter ou celui du hack chez