Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/113

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souvent connu la mélancolie des fins de journée à bord des bateaux ou dans des solitudes d’hôtel, le cercle de clarté projeté par les lampes autour de ces deux femmes lui avait tant réchauffé le cœur, le lui réchauffait tant à cette seconde ! Remué comme il venait de l’être par de si anciennes amertumes, il eût voulu demeurer des heures sur le seuil de cette porte, — des heures à se repaître l’âme de cette certitude que sa mauvaise jeunesse était très loin, et qu’il faisait partie de cette vie maintenant, si réglée, si pure, si simple, — des heures à lire sur le visage de sa fiancée le fervent amour dont il était l’objet. Pourquoi cette ombre sur ce beau front candide, ce voile sur ces chers yeux bleus, ce pli triste de cette bouche enfantine, sinon parce que la jeune fille le savait souffrant ? Et ce front se leva, ces yeux l’aperçurent, cette bouche s’ouvrît dans un cri léger. Une pâleur envahit ce visage, attestant chez sa sensitive, comme il l’appelait quelquefois par une caressante raillerie, cette sensibilité trop vive en effet, cette vibration trop forte sous la moindre secousse. Mais déjà Henriette était debout, elle avait marché vers lui.

— « C’est vous, Francis, » lui disait-elle, « Comment ne vous ai-je pas entendu entrer ? Il y a longtemps que vous êtes ici ?… »

— « Très longtemps, » répondit-il, et lui prenant