Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/115

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et j’ai écrit des lettres toute l’après-midi… Voulez-vous les voir ?… »

Et très vite, sans attendre la réponse de Francis, elle avait pris, sur la table étroite où elle s’était arrangé un coin à elle auprès d’une des fenêtres, plusieurs enveloppes qu’elle lui tendait tout ouvertes. Dès les premiers jours de leurs fiançailles, elle lui avait demandé tendrement, comme une faveur d’affection, de lire les moindres billets qu’elle envoyait, — adorable instinct d’enfant amoureuse qui se donnait ainsi, sans rien réserver, avec cette prodigalité spontanée d’une âme pure qui peut tout montrer de ses pensées, qui s’enivre d’en tout montrer à celui qu’elle aime ! Elle mit à présenter à Francis ces pages par lesquelles elle avait trompé l’inquiétude des heures supportées sans lui, une grâce de soumission si jeune, si pénétrante, que les mains du jeune homme tremblaient un peu en ouvrant ces lettres l’une après l’autre. Comme elle savait, sans l’avoir appris, cet art d’aller au-devant des exigences même injustes et tyranniques d’un ami, — cet art qui veut que l’on soit toujours un peu trop tôt là où le moindre retard ferait souffrir, — cet art de dire toujours la parole attendue, justement celle-là et pas une autre, — cet art de se faire aimer en aimant, seul bienfait pour une âme déjà lasse, si facile à la souffrance, si rebelle à la caresse, — cet art de plaire sans jamais blesser,