Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/121

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tant de jours ! Ce billet n’avait pas seulement pour but de déterminer une explication immédiate avec Pauline. Il répondait à une autre nécessité que Francis entrevoyait comme presque aussi immédiate, celle d’avouer à Mme Scilly et à Henriette qu’il connaissait la jeune femme. Il voulait, sur ce point aussi, la devancer. Il avait donc arrêté avec lui-même qu’aussitôt après avoir fait porter sa lettre chez Mme Raffraye, il parlerait d’elle à ces deux dames comme d’une amie de sa sœur, arrivée inopinément à Palerme. Le lendemain matin, et après qu’une nuit relativement calme eut succédé à cette journée d’agitations contradictoires, il trouva bien en lui la force d’exécuter la première partie de ce programme, et dès neuf heures la lettre était remise chez Mme Raffraye. Mais midi sonnait qu’il en était encore à prononcer la phrase qui devait irréparablement mêler son passé à son présent sous le patronage de la plus sacrée mémoire. Henriette, dans la délicatesse tendre de son amour, gardait une reconnaissance presque idolâtre à tous ceux qui avaient été bienfaisants pour à fiancé, et elle nourrissait un culte particulier pour la sœur de Francis. Inévitablement elle en reporterait quelque chose sur l’amie de la morte. Cette idée fit soudain horreur au jeune homme. Et puis, de prononcer certains noms devant certaines personnes, n’est-ce pas une vraie profanation ? Il