Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/123

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dame française à l’hôtel, si malade, qu’elle fait peine à voir. Elle est avec sa petite fille. Elles occupent l’appartement du troisième, juste au-dessus de nous… »

— « Ce sont elles sans doute, » répondit Henriette, « que j’ai remarquées dans le jardin de l’hôtel hier, une femme que je n’avais jamais vue, très pâle, avec de grands yeux et si tristes, et une enfant dont je n’ai pas aperçu la figure, mais qui a de beaux cheveux blonds avec des reflets bruns. »

— « Probablement, » continua Mme Scilly ; « c’est bien ainsi que Marguerite, en m’habillant tout à l’heure, m’en a parlé. La femme de chambre de cette dame et la bonne de la petite qui étaient à côté d’elle à table, deux braves paysannes françaises, affolées d’avoir été transportées en Italie, lui ont raconté toute l’histoire de leur maîtresse. Voilà des années que cette pauvre Mme Raffraye, c’est son nom, n’est pas sortie de la terre où elle s’est retirée à l’époque de son veuvage. La petite fille est née après la mort du père… S’il est vrai, comme disait toujours mon mari, que les discours de nos serviteurs nous jugent, cette dame doit être une sainte, car ces deux vieilles filles avaient, paraît-il, les larmes aux yeux en racontant que c’est la providence de ce pays, un coin perdu dans les montagnes du Jura. Comme on s’attache pourtant au pays le plus sauvage