Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/160

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— « Nous vous y conduirons, » répondit la mère, « voilà tout, et nous vous attendrons en bas dans la voiture… »

— « Cela gâterait toute votre promenade, » reprit Nayrac ; « ces Siciliens font quelquefois tant d’embarras. Ils sont capables de me garder encore une demi-heure… »

— « Rien de plus facile que de tout concilier, » dit Henriette, « nous vous mènerons à la banque, nous irons marcher dans le Jardin Anglais qui n’est pas très loin, nous vous renverrons la voiture et vous nous rejoindrez aussitôt que vos maffiusi vous laisseront libre… Vous voyez que nos lectures me profitent !… »

Certes la douce enfant n’eût pas plaisanté ainsi à propos de sa naïve érudition sur la terrible maffia sicilienne et les affiliés de cette mystérieuse société secrète, si elle avait pu penser que son fiancé commettait en ce moment le plus mesquin et le plus triste d’entre les crimes de l’amour, l’abus de confiance du cœur. Elle était trop fine et surtout elle avait un sens trop aiguisé des moindres nuances de la voix du jeune homme pour ne pas s’être aperçue que la combinaison proposée par la comtesse lui déplaisait. Mais n’était-ce pas bien naturel qu’il redoutât pour la malade une trop longue séance d’immobilité dans un landau ouvert, et qu’il désirât pour elle le bénéfice d’une de ces vraies et longues