Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/24

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comme une végétation changeante, frémissante et toujours renouvelée de la flore intérieure. S’il arrive que de regarder ainsi et de constater des états coupables de notre âme ne nous procure aucun repentir et aucun désir d’amendement, la faute n’en est pas à ce regard. Si Amiel s’est complu à détailler indéfiniment les nuances de sa paresse intellectuelle au lieu d’en poursuivre et d’en éliminer les moindres traces, ce n’est point cette analyse seule qui en fut la cause, ce fut surtout la vanité timide et ombrageuse du demi-écrivain qui, se sentant inférieur à son idéal, s’abstient de tenter une œuvre qu’il n’est pas assuré de réussir. L’esprit d’analyse a, d’ailleurs, un autre nom hors de la langue littéraire : il s’appelle l’examen de conscience, et, bien loin d’être l’opposé de la moralité, c’en est le principe même, à la condition qu’une fois cet examen fini, d’autres facultés entrent en jeu. Concluons-en que ce péché de psychologie dont les romanciers d’analyse ont été si souvent incriminés, ne mérite pas certaines colères. La critique, préoccupée de questions morales, eût été plus juste en rappelant seulement aux romanciers de cette école que leur responsabilité est peut-être plus grande que celle des romanciers de mœurs, car ils parlent plus directement à ces consciences qu’ils prétendent anatomiser, et c’est à propos des œuvres de ce type que l’on a le droit de dire, quand elles sont