Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/255

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— « Mon instinct de mère ne m’avait pas trompée, » pensa-t-elle. « Il veut se rapprocher de sa fille. Mais elle est à moi, à moi seule… Il ne l’aime pas. Il n’a pas le droit de l’aimer. Il ne s’en fera pas aimer. Je ne veux pas qu’il l’aime… » Et, prenant tout à coup Adèle dans ses bras, et la serrant contre son cœur d’une étreinte affolée, elle se mit à la couvrir de baisers, et elle lui disait : « Tu m’aimes, n’est-ce pas ? Répète-le-moi. Répète que tu es heureuse d’être avec moi ici, que tu seras plus heureuse encore quand nous serons toutes deux seules, dans une maison rien qu’à nous, avec un jardin rien qu’à nous. Et puis, quand je serai guérie, n’est-ce pas que cela te fera plaisir de rentrer à Molamboz avec moi, toujours avec moi, rien qu’avec moi ?… »

— « Toujours avec toi, » répondit l’enfant, dont le visage exprima une joie profonde, et qui, achevant de monter du fauteuil où elle s’était agenouillée jusqu’au lit de sa mère, s’y assit, et, tapie contre la maigre épaule de la malade, elle reprit à voix basse : — « Quand je serai grande, tu sais bien que je ne me marierai pas, pour rester avec toi toujours, rien qu’avec toi… » En répétant textuellement les paroles de sa mère, elle semblait comprendre ce qu’elle ne pouvait ni savoir, ni même soupçonner, que la pauvre femme redoutait une troisième présence entre elles deux. Jamais Pauline n’avait mieux senti par