Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/257

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pour elle, et qui, les mains jointes, le soir, à genoux dans sa longue chemise blanche, ressemblait à ces statuettes d’anges que la naïveté de la foi n’a jamais cessé d’évoquer sur les tombeaux. La douce petite n’était-elle pas agenouillée en effet sur le tombeau d’une Pauline Raffraye à jamais morte, de la femme qui avait cherché le bonheur dans la passion et qui n’avait rencontré sur les mauvais chemins que honte et que désespoir ? Toutes ces filles qu’elle avait aimées l’une après l’autre dans sa fille, la malade les étreignait dans ce baiser, comme pour s’assurer que personne ne pouvait les lui prendre. Elle les serrait contre elle, avec cette plénitude de la complète possession d’une autre âme, — chimère que nous poursuivons tous à travers toutes les tendresses. La réalisons-nous jamais, sinon auprès de nos enfants lorsque nous ne les avons jamais quittés ? De telles sensations sont trop puissantes pour ne pas nous donner le courage de défendre contre n’importe quel danger ces chères créatures pendant qu’elles sont à nous. Quand, après avoir encore causé quelques minutes, Adèle sortit de la chambre, Pauline avait reconquis le sang-froid qu’il lui fallait pour discuter la conduite à tenir envers Francis, longuement, précisément, lucidement.

— « Il ne peut rien faire, » conclut-elle après une méditation débarrassée cette fois de la fièvre