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Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/31

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minute par un magnétisme de félicité. C’était comme une vision d’un rêve réalisé que cette promenade, pour le tendre témoin qui contemplait les deux fiancés, pour cette mère qu’ils n’oubliaient pas même dans leur extase, car, à chaque passage près du banc de marbre, Henriette la saluait d’un sourire et d’un regard. Elle n’eût pas détourné sa blonde tête que Mme Scilly ne lui en eût certes pas voulu. Mais que sa fille lui gardât une place dans son bonheur, cette évidence lui était aussi réchauffante que ce soleil méridional aux rayons duquel son pauvre corps se caressait, pour y reprendre un peu de force, quelques années de vie encore, et elle songeait :

— « Comme il l’aime, et comme il a raison de l’aimer ! Comme elle est devenue celle que promettait son enfance ! Si son père vivait, qu’il serait fier d’elle et fier de lui !… Il me dirait qu’il est content de moi, j’en suis sûre. Il me le dira un jour, bientôt… Que ce ne soit pas trop tôt, cependant ! »

En prononçant mentalement cette parole, la pauvre femme reculait de quinze ans en arrière, jusqu’à l’automne, si terrible pour elle, de 1871. Au lieu du vert et silencieux jardin où passaient et repassaient ses deux enfants, — comme elle les appelait en les bénissant ensemble dans son cœur, — elle revoyait une chambre de malade,