Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/328

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donc que faire souffrir !… » Quelles conditions pour se débattre et dissimuler quand la comtesse reviendrait lui poser les inévitables questions qui mettraient au jour l’incohérence douloureuse de ces dernières semaines ! Mais déjà le temps avait marché. La porte du salon se rouvrait et Mme Scilly était devant le jeune homme qui relevait la tête pour l’écouter parler de sa voix toujours indulgente et si confiante, encore à ce moment :

— « Henriette est plus calme. J’ai pu la laisser seule… Mais, Francis, comme je vous gronderais, si je ne vous voyais pas si remué vous-même ! Je vous l’ai répété souvent : vous ne la ménagerez jamais assez. Elle est si follement sensible, et pas très forte… Que lui aviez-vous dit qui ait pu la mettre dans cet état ?… »

— « Elle ne vous l’a donc pas raconté elle-même ?… » interrogea Francis.

— « Non, » répondit la mère. « Je n’ai pas obtenu d’elle un seul mot, sinon parmi des sanglots, à croire qu’elle allait être brisée, cette phrase toujours et toujours : — C’est fini. Mon Dieu ! c’est fini… — Qu’est-ce qui est fini ? questionnais-je, et pourquoi ? — Alors elle s’arrêtait de me parler. Je voyais qu’elle faisait un effort surhumain pour se dominer, et, quand je l’ai quittée, toute sa pensée n’était que pour vous. Elle m’a suppliée de ne rien vous reprocher, de ne