Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/331

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votre bouche, ce poids sur votre cœur ?… Non, vous lui diriez : Mère, je souffre, et elle vous panserait, elle vous bercerait, elle vous guérirait. »

— « Ne me parlez pas ainsi, » dit le jeune homme en se levant et en dégageant sa main, « cela me fait trop de mal. Vous ne savez pas ce que vous me demandez. Vous ne me connaissez pas, ni la nature de ces secrets que vous croyez pouvoir plaindre… Laissez-moi m’en-aller, fuir Palerme, fuir Henriette, vous fuir, tout fuir. C’est ma seule chance de rester un homme d’honneur… »

— « Non, » répondit la comtesse en se levant à son tour, « vous n’agiriez pas en homme d’honneur si vous ne me parliez pas maintenant avec franchise. Et moi aussi j’ai trop mal, et vous ne pouvez pas me laisser avec cette inquiétude que vous venez d’éveiller en moi… Quand vous m’avez demandé la main d’Henriette et que je vous ai dit oui, rappelez-vous avec quelle estime je vous ai accueilli, avec quelle confiance. Vous ai-je questionné sur quoi que ce soit ? J’étais sûre, comme je suis sûre maintenant, que s’il y avait eu quelque obstacle à l’honnêteté absolue de votre mariage, vous me l’auriez dit. Si un événement quelconque est survenu, capable de vous arracher des cris comme celui que vous avez jeté, vous devez le déclarer aujourd’hui à la mère de votre fiancée. On ne se marie pas avec des secrets sur la conscience d’une si douloureuse gravité…