Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/373

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remplie des plaintes que Mme Scilly avait pu pressentir, était une boîte longue et plate, sur laquelle il avait inscrit le nom et l’adresse de celle dont il ne savait même plus si elle était encore sa fiancée. La mère enleva le couvercle d’une main tremblante à la fois et curieuse. Un arome de fleurs emplit la chambre, et elle vit, couchée dans un lit de larges violettes, une de ces frêles statuettes de terre cuite, chef-d’œuvre de l’art antique, comme elle se rappela en avoir admiré quelques-unes en compagnie des deux jeunes gens au musée de Palerme. C’était l’image d’une femme drapée et qui penchait, avec une grâce délicate, presque souffrante, sa tête un peu petite et chargée d’une couronne. La ligne mince du svelte corps apparaissait à travers le voile. Un demi-sourire flottait autour de la joue et des fines lèvres. Des traces d’un coloris presque effacé nuançaient les plis du vêtement de leurs teintes douces, et cette forme exquise, qui révélait un songe de beauté caressé par des yeux fermés depuis plus de vingt siècles, semblait plus touchante encore, soutenue, enveloppée, bercée par les sombres et odorantes corolles de ces fleurs toutes jeunes. Il y avait dans cette simple manière d’offrir cet objet si rare un rappel si tendre des heures les plus pures d’une intimité déjà bien lointaine ! Mme Scilly, qui n’avait eu pourtant de cette intimité que son réchauffant