Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/408

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inconscience où il avait voulu se plonger. Il avait fait les ténèbres en lui sur les portions misérables de son cœur et qui l’auraient forcé à reconnaître qu’il n’était pas certain de son absolue indépendance. Hélas ! Il n’était même pas certain de son indifférence. Il le comprenait maintenant, mais trop tard : certaines maladies morales condamnent ceux qui en sont les victimes à ne pas en infliger le contre-coup à d’autres êtres. Son âme sans discipline morale, dépourvue de volonté, flottante à toutes les impressions, avait perdu ce pouvoir de se dominer qui permet les contrats loyaux et irrévocables. Il en résultait que cette âme, pareille à certains organismes consumés, était incapable de refermer ses plaies comme ils sont incapables de refermer les leurs. Il l’avait trop constaté à la première épreuve : à la place où Pauline l’avait touché autrefois, la blessure saignait toujours. Aurait-il de même subi d’une manière si étrange cet éveil de sa paternité à la seule vue d’Adèle, si depuis des années il n’eût gardé à cette place aussi une autre blessure toujours saignante ? L’incohérence de sa vie sentimentale lui causait alors, quand il descendait à cette profondeur dans sa conscience, un frisson d’épouvante. Il reportait ses yeux sur le vaste et formidable paysage pour s’oublier, et c’était pour se retrouver encore. Il regardait la mer de Calabre là-bas, dont la nappe bleue brillait au soleil. Des