Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/76

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si voisines de la ruse, irritent tant l’homme qu’elles ne charment pas. Et il avait continué : — « Je veux dire : si je te demandais de fermer ta porte à quelqu’un, à ce M. de Querne, par exemple ? »

— « Naturellement, j’obéirais si je pouvais, » avait-elle repris en haussant les épaules ; « mais tu ne me le demanderas pas. Ce serait tant m’insulter, tant m’humilier… »

Devant cette simplicité de défense, Francis n’avait pas prolongé ce petit combat. Puis il avait, comme tous les jaloux, discuté avec lui-même, indéfiniment, les moindres mots, les moindres intonations de voix, toutes les nuances du visage de sa maîtresse, tandis qu’elle se dérobait. Car elle s’était dérobée. Il ne lui faisait pas le crédit de se mettre à sa place et de se demander ce qu’elle pensait de lui, comment elle comprenait son caractère à lui, ce qu’elle en savait, et, par conséquent, quel retentissement de semblables paroles éveillaient en elle. Il ne voyait qu’une chose : pourquoi ne lui avait-elle pas répondu, tout uniment, qu’il ordonnât et qu’elle obéirait ? Quand on commence de souffrir, on a de ces despotismes presque monstrueux auxquels les femmes qui aiment se soumettent, — quand elles n’ont pas vingt-six ans. Il faut avoir vécu pour comprendre qu’il n’y a pas de légers malentendus en amour, et il faut avoir vécu ainsi pour se