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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/15

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LE DISCIPLE

possèdes, tu la sens, tu la vis à chaque minute : c’est ton âme. Parmi les idées qui t’assaillent, il en est qui rendent cette âme moins capable d’aimer, moins capable de vouloir. Tiens pour assuré que ces idées sont fausses par un point, si subtiles te semblent-elles, soutenues par les plus beaux noms, parées de la magie des plus beaux talents. Exalte et cultive en toi ces deux grandes vertus, ces deux énergies en dehors desquelles il n’y a que flétrissure présente et qu’agonie finale : l’amour et la volonté. — La science d’aujourd’hui, la sincère, la modeste, reconnait qu’au terme de son analyse s’étend le domaine de l’Inconnaissable. Le vieux Littré, qui fut presque un saint, a magnifiquement parlé de cet océan de mystère qui bat notre rivage, que nous voyons devant nous, réel, et pour lequel nous n’avons ni barque ni voile. À ceux qui te diront que derrière cet océan de mystère il y a le vide, l’abîme du noir et de la mort, aie le courage de répondre : « Vous ne le savez pas… » Et puisque tu sais, puisque tu éprouves qu’une âme est en toi, travaille à ce que cette âme ne meure pas en toi avant toi-même. — La France a besoin que nous pensions tous cela, et puisse ce livre t’aider à le penser. N’y cherche pas, ce que tu n’y trouverais point, des allusions à de récents événements. Le plan en était tracé, et une partie en était écrite quand deux tragédies, l’une Française et l’autre Européenne, sont venues attester qu’un même trouble d’idées et de sentiments remue, à l’heure présente, de hautes et