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LE DISCIPLE

mense ciel vide, en songeant que moi, chétif, j’avais assez réfléchi déjà pour comprendre de ce monde ce qu’aucun des paysans que je voyais passer ne comprendrait jamais. Ils venaient de la montagne, conduisant leurs grands chariots attelés de bœufs paisibles, et ils saluaient les croix dévotement. Avec quelles délices je les méprisais dans mon cœur de leur grossière superstition, eux, et l’abbé Martel, et ma mère, quoique je ne me fusse pas décidé à déclarer mon athéisme, prévoyant trop quelles scènes cette déclaration provoquerait. Mais ces scènes n’importent guère, et j’arrive maintenant à l’exposé d’un drame qui n’aurait pas de sens si je ne vous avais pas fait entrer d’abord dans l’intime de ma pensée et de sa formation.


III

Transplantation.


Je fis, à la suite de cette année d’études, peut-être trop vivement poussées, une assez grave maladie qui me força d’interrompre ma préparation à l’École normale. Une fois guéri, je redoublai ma classe de philosophie, tout en suivant une partie des cours de la rhétorique. Je me présentai à l’École vers cette date, qui est aussi celle où j’eus l’honneur d’être reçu chez vous. Les événements qui suivirent, vous les connaissez. J’échouai à l’examen. Mes compositions