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LE DISCIPLE

Saint-Amand-Tallende, les communications avec Clermont demeurent libres même dans la pire rigueur de la saison. Puis cette saison, si elle est en effet très rigoureuse, offre de soudaines et radieuses éclaircies. À des journées de tourmente succèdent des après-midi d’un incomparable azur où le paysage rayonne, comme transformé par la soudaine magie d’un enchantement de lumière. Ce fut le cas durant le jour, que j’essaie d’évoquer en ce moment-ci, où ma fatale résolution se fixa et prit corps. Je revois le lac couvert d’une mince lame de glace, sous les plis de laquelle se devinait le frisson souple de l’eau. Je revois la vaste coulée de la Cheyre, blanche de neige avec des taches sombres de lave apparues dans cette blancheur ; et tout blanc aussi, mais sans une tache, se dressait le cirque des montagnes, le puy de Dôme, le puy de la Vache, celui de Vichatel, celui de la Rodde, celui de Mont-Redon, tandis que le ballon de Charmont et la forêt de Rouillat détachaient sur le fond de neige et d’azur les masses noires de leurs sapins. Des détails revivent devant mes yeux, de ces menus détails qui se remarquent à peine, et puis ils demeurent cachés, on ne sait dans quel arrière-fond de la mémoire. Je revois un bouquet de bouleaux dont les ramures dépouillées se teintaient de rose. Je revois les cristaux de givre qui brillaient à la pointe des branches, une touffe de genêts qui