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Page:Bourget - Le Disciple.djvu/240

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LE DISCIPLE

née, le temps avait été plus radieux encore, et nous partions dans l’après-midi, Mlle Largeyx, Lucien, Charlotte et moi, pour aller jusqu’au village de Saint-Saturnin à travers un massif de chênes, de bouleaux et de noisetiers qui sépare ce village du château ruiné de Montredon et qui s’appelle le bois de la Pradat. La route qui coupe ce parc sauvage est excellente. Aussi avions-nous pris la petite charrette anglaise, où l’on pouvait tenir quatre à la rigueur. Nous devions y monter à tour de rôle. Non, jamais la journée n’avait été plus tiède, plus bleu le ciel, plus grisante l’odeur de printemps éparse dans le vent… Nous n’avions pas marché une lieue que déjà Mlle Largeyx, fatiguée du soleil, s’installait sur la banquette de la voiture que conduisait le second cocher. Le drôle a depuis déposé cruellement contre moi et il a rappelé tout ce qu’il a su ou deviné de ce que je vais, moi, vous raconter. Lucien se déclara bientôt lassé aussi, et rejoignit la gouvernante, en sorte que je me trouvai marcher seul avec Mlle de Jussat. Elle s’était mis en tête de composer un bouquet de muguets, et je l’aidais à cette besogne. Nous nous engageâmes sous les branches qu’un, feuillage tendre, à peine déployé, saupoudrait d’une sorte de nuage finement vert. Elle marchait en avant, attirée loin de la lisière par la recherche de ces fleurs qui tantôt poussent en tapis épais et tantôt manquent entièrement. À