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LE DISCIPLE

La vraie méthode n’était-elle pas plutôt celle que professait Gœthe : appliquer sa pensée à la douleur même dont on veut se délivrer ? Ce grand esprit, qui a su vivre, mettait ainsi en pratique la théorie exposée dans le cinquième livre de Spinoza et qui consiste à dégager derrière les accidents de notre vie personnelle la loi qui les rattache à la grande vie de l’Univers, M. Taine, dans d’éloquentes pages sur Byron, nous conseille de même de « nous comprendre », afin que « la lumière de l’esprit produise en nous la sérénité du cœur ». Et vous, mon cher maître, que dites-vous d’autre dans la préface de votre Théorie des passions : « Considérer sa propre destinée comme un corollaire dans cette géométrie vivante qui est la nature, et par suite comme une conséquence inévitable de cet axiome éternel dont le développement indéfini se prolonge à travers le Temps et l’Espace, tel est l’unique principe de l’affranchissement. » Et que fais-je d’autre, à cette heure, en rédigeant ce mémoire, que de me conformer à ces maximes ? Puissent-elles me réussir mieux qu’alors ! J’essayai, en effet, à cette époque, de résumer, dans une espèce de nouvelle autobiographique, l’histoire de mes sentiments pour Charlotte, J’y supposais — voyez comme le hasard se charge parfois de réaliser étrangement nos rêves — un grand psychologue consulté par un jeune homme ; et, vers la fin, le psychologue